L'épopée est suspendue
Lundi soir, nos amis ont trouvé refuge sur les banquettes de la terrasse du bar de la vallée d'Eyne dont il faut louer la gentillesse des propriétaires. Cela leur a permi de dormir au sec et de repartir du bon pied en direction des Bouillouses , mardi vers 14h. Effectivement, les conditions d'accès étant assez aléatoires en haute altitude, les hélionautes ont passé la matinée à appeler les gendarmeries de montagne de leur itinéraire. Selon les gendarmes, des zones entières sont en train de fondre dans une sorte de soupe impraticable, même avec l'équipement neige.
D'un autre côté, ils ont aussi rencontré des MUL, ces étranges créatures qui ont pour habitude de crapahuter avec des sacs ultralégers de moins de 6kg. Les MUL étaient passés et pensaient que le HPR serait entièrement praticable d'ici quelques jours, le temps que la neige finisse de fondre.
Alors qu'ils marchaient vers le Pic Carlit avec leurs nouveaux compagnons de route - Serge et Martine - récupérés dans la matinée à Eyne, ils ont été surpris par un orage terrible et la grêle s'est abattue tellement violemment sur eux que le paysage en est devenu totalement blanc.
Il faisait un froid de canard, on tentait de se planquer sous des bouts de rochers, on a cherché désespérément une cabane pour bivouaquer, mais il faut bien dire que dans le coin, elles ne sont pas du tout praticables pour les randonneurs : remplies d'outils, boueuses, humides, à peine bonnes pour protéger le touriste d'une ondée un peu forte. On a bien eu les boules et on a fini par planter les tentes au pied du Carlite. Là, le soleil a daigné nous rejoindre vers 19H, juste avant d'aller se coucher.",
raconte Jean-Luc au téléphone.
Mercredi, l'équipe a repris la marche dès 7h00 sous un magnifique ciel bleu qui les a accompagnés jusqu'au sommet du Carlit, à 2920m d'altitude, qu'ils ont atteint à 10h45. Le temps de profiter un peu de cette vue chèrement acquise, ils entament la très longue descente par le lac de Lanoux, vers l'Hospitalet-près-l'Andorre où ils comptent bivouaquer.
"C'est une descente vraiment très longue et assez rapidement, j'ai eu les pieds complètement éclatés. Je ne comprenais pas : j'ai l'habitude de marcher depuis des années, je prends soin de mes pieds, j'ai de très bonnes chaussures de marche que j'ai depuis deux ans, mais je n'ai pas utilisées intensivement. C'est en arrivant que j'ai déchaussé et que j'ai vu l'étendue de dégâts : mes orteils sont littéralement bouffés. En fait, les coutures intérieures du fond de mes chaussures ont complètement lâché et m'ont bousillé les pieds"
,nous confie Jean-Luc, assez abattu.
Les pieds abîmés, Jean-Luc ne peut plus marcher. Il lui faut prendre le temps de cicatriser et de trouver de nouvelles chaussures. Demain, un ami vient chercher nos hélionautes dans les Pyrénées pour les ramener à la maison
"C'est couillon", ajoute Sitting Bull, "Jean-Luc se faisait une joie de cette équipée sur le HPR et il s'y préparait depuis un an. Mais sans les pieds, ce n'est pas possible de continuer. Moi, ça va, je l'ai déjà fait deux fois, mais dans l'autre sens. C'est marrant comme les lieux par lesquels je suis déjà passé me semblent différents quand on les aborde de l'autre côté."
Le moral déjà bien entamé par la succession ininterrompue d'orages longs et violents, nos amis avaient maintenu le cap grâce à leur bonne condition physique générale. Mais les blessures de Jean-Luc les forcent à renoncer à leur projet.
Armés seulement de leur passion, de leur envie, poussés par la nécessité d'avancer, de découvrir, nos amis n'ont jamais eu la certitude d’arriver au bout de leur projet, mais rien que de le tenter était déjà une belle aventure.
Si les conditions sont de nouveau réunies - les pieds suffisamment remis et la neige enfin fondue - nos valeureux compagnons des orages envisagent de rependre leur course après le soleil le 12 août, au départ de Gavarnie, afin de rallier la côte Basque. Le tronçon perdu est de toute manière remis en jeu l'été prochain!